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L’Europe et ses crimes

par Philippe Bouchereau, le 13 décembre 2021

L’Europe ! L’État français s’apprête à prendre en main la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. L’on en parle beaucoup. Macron s’affiche au centre de l’affaire. En revanche, l’on passe sous silence ses objectifs concernant l’avenir des Balkans. Certes, l’on connaît ses positions s’agissant de l’élargissement de l’Europe. Son refus d’intégrer l’Albanie et la Macédoine. Les nuances caméléonesques apportées ici et là ne changent rien à son rejet général. Les observateurs ont balayé sous le tapis le sens de l’Accord de Prespa, entre la République hellénique et la République de Macédoine, au sujet du changement de nom de la Macédoine en « Macédoine du Nord ». L’accord n’est pas bilatéral. Sous l’égide des Européens (Merkel, Macron) et des Américains, il est erga omnes, de droit valable pour tous. Un accord entre la Macédoine et les États onusiens. Pour tous, la Macédoine se nomme « Macédoine du Nord ». La nordisation de la Macédoine est l’enclenchement d’un processus de démacédonisation institutionnel. La négation de l’identité macédonienne, la macédonité.

L’on accorde à la Grèce moderne le bon droit d’avoir commis des crimes contre l’humanité à l’encontre des Macédoniens, lors de la Seconde Guerre balkanique de 1913 et de la Guerre civile grecque de 1946-1949. La Grèce moderne considère que la Macédoine – son histoire et son territoire – lui appartient, et partant, elle en possède tous les droits. « Lorsqu’il est fait référence à la Première partie [La République hellénique], ces termes [Macédoine, Macédoniens] désignent non seulement la région et les habitants de la région nord de la Première partie, mais aussi leurs attributs, ainsi que la civilisation hellénique, l’histoire, la culture et le patrimoine de cette région depuis l’Antiquité à nos jours. » [Accord de Prespa, article 7 (2)]. Ainsi disparaît la langue macédonienne, le « vieux slave », née à Salonique au IXe siècle, en Macédoine. Toujours selon l’Accord, la langue macédonienne n’existe pas en tant que langue du peuple macédonien. Elle est ravalée au rang de langue citoyenne de l’État macédonien du nord.

La présence des Slaves en Macédoine à partir du Ve siècle, les Macédoniens, constitue une erreur de l’histoire à corriger. L’exécution de la correction passe par l’élimination des Macédoniens, sous une forme ethnocidaire ou génocidaire.

À la légitimité donnée aux crimes contre l’humanité ethnocidaire et génocidaire s’ajoute une reconnaissance de droit international. Les États acceptant l’Accord de Prespa, donc les citoyens qui usent du nom de « Macédoine du Nord », reconnaissent les crimes contre l’humanité en tant que droit. Naturellement, ces crimes contre l’humanité ne sont pas notifiés en tant que tels. Ils appartiennent à l’ordre normal des choses. Cette reconnaissance juridique s’oppose au droit international. Qu’importe. Le droit international n’existe que pour être violé. Cela s’observe quotidiennement.

L’historiographie avance l’idée que les massacres et la démacédonisation (villages incendiés, cimetières détruits, profanations de monastères et ainsi de suite) perpétrés par les Grecs modernes en Macédoine, lors de la Seconde Guerre balkanique, auraient pour raison la conquête territoriale. Ce crime contre l’humanité se définit comme ethnocide. Dans l’ethnocide, le groupe à anéantir est visé en tant que tel pour une raison. Dans le génocide, le groupe à anéantir est visé en tant qu’humanité, sans raison. Les deux intentions ne sont pas de même nature. Toutefois, dans le génocide elles cohabitent. Le génocide comprend l’ethnocide. Dans le processus génocidaire, l’intention ethnocidaire momentanément s’efface. Elle réapparait après coup. Après la grande coupure génocidaire, le crime a sa raison d’être. Le crime paye. Le crime profite au criminel. Après coup, la Macédoine du sud appartient à la Grèce moderne.

L’historiographie écarte l’intention génocidaire. Pourtant, l’on sait que l’armée grecque moderne n’avait pas les moyens d’atteindre Skopje. Dans le cas contraire, et au regard des crimes commis en Macédoine du sud, elle aurait anéanti les Macédoniens. De l’ethnocide au génocide, il n’y a qu’un pas. La raison ethnocidaire cède le pas au sans raison génocidaire. (L’intention génocidaire, sans sa réalisation, sans aucun mort, relève pénalement du crime de génocide).

La culture macédonienne a élevé le monde slave à la culture universelle. L’idée d’humanité s’engendre de l’idée d’universalité et de sa réalisation dans l’histoire. (Je pense l’idée d’humanité en sa perspective universelle et non pas l’humanité en soi dont sont pourvues les sociétés premières.) En liquidant la culture macédonienne, la Grèce moderne efface une forme de l’idée d’humanité. Il fallait absolument la disparition de la culture macédonienne, non seulement en tant que culture particulière (ethnocide) mais aussi en tant que culture porteuse de l’universelle humanité (génocide). Selon la Grèce moderne, l’unique culture universelle du continent européen et du monde est celle de la Grèce antique dont elle serait l’héritière. À quoi s’ajoute l’appropriation de la symbolique de l’Empire-monde d’Alexandre le Grand. Autrement dit, afin de faire valoir qu’elle serait la porteuse de l’idée d’humanité, la Grèce moderne anéantit la macédonité.

Si les Jeunes-Turcs du Comité Union et Progrès avaient manqué d’imagination, ils auraient pu s’inspirer des pratiques grecques modernes. La Grèce moderne se fonde sur le génocide des Macédoniens, comme la Turquie moderne se fonde sur le génocide des Arméniens. (Je pense le fondement non l’origine.)

Après la liquidation de l’Empire ottoman, la nation turque ne constituait pas encore une « donnée de base », elle ne se constituait que d’une catégorie mentale. « Elle était à créer de toutes pièces par l’État, qui, par sa création même, permettrait aux Turcs d’accéder à la ‘‘civilisation’’. La formation par l’État de la nation était expressément formulée comme une condition nécessaire permettant l’accès à l’universalité. » Alors même que le Turc se proposait de s’« occidentaliser » et qu’il se décrivait comme le fondateur et le porte-parole de la « civilisation » et de la culture, « il » se vantait de « détruire, briser, brûler, exterminer ». Sur le génocide réalisé des Arméniens se fonde l’idéologie de la race mentale turque mère de l’humanité. L’État turc moderne ne s’est pas contenté de nier le génocide en gommant la reconnaissance du crime par les Procès ottomans. Il s’est efforcé de le rendre légitime. Le crime était nécessaire. La nécessité dépasse les considérations nationalistes. Avec l’anéantissement génocidaire des Arméniens (1915), l’humanité est visée en tant que telle. « Comment pouvait‑on, tout de même, en arriver à postuler l’origine turque de l’humanité et de la civilisation ? » Le postulat suppose au préalable la table rase. Proclamer que « la race turque est la mère de toutes les civilisations du monde ; la langue turque est la mère de toutes les langues », afin de fonder une « nation », cela suppose plus que la nation. À l’idée de fonder une nation particulière se superpose l’idée de créer une nation universelle fondatrice de l’humanité. Si le passage de l’État-empire à l’État-nation n’est pas génocidaire, il en va autrement du passage de l’État sans nation à la création d’une néo‑humanité.

(Les passages entre guillemets sont de Hamit Bozarslan, « Autour de la ‘‘thèse turque de l’histoire’’ », revue L’Intranquille, n° 1, Paris, 1992. Voir aussi Philippe Bouchereau, La Grande Coupure, essai de philosophie testimoniale, Paris, Éditions Classiques Garnier, 2017).

Les Arméniens sont anéantis au nom de leur volonté d’autonomie au sein de l’Empire ottoman, c’est l’ethnocide pour raison politique. En tant que chrétiens, les Arméniens portent l’idée universelle d’humanité. Ne pas voir ici le christianisme en son aspect strictement religieux, auquel cas il s’agirait d’un ethnocide pour raison religieuse, mais en fonction de son caractère humaniste universel, lequel traverse et dépasse le religieux. À la manière des Juifs avec le « Tu ne tueras point », principe universel d’humanité. Ils sont anéantis en tant qu’humanité, c’est le génocide sans raison.

Le génocide est sans raison parce que le crime contre l’humanité génocidaire ne procède d’aucune raison pratique dans l’anéantissement de l’« homme abstrait ». Hitler a idéologisé le principe du génocide : « Il y a d’un côté ceux qui veulent le bonheur d’un homme abstrait, qui poursuivent la chimère d’une formule de portée universelle. De l’autre côté, il y a les réalistes. Le national-socialisme ne s’intéresse qu’à l’humanité allemande […] ». La « race mentale » est le substitut idéologique de l’« homme abstrait ». « Homme abstrait » incarné. Incarné, car des humains sont génocidés, non pas une idée. Donc, l’« homme abstrait » en sa manifestation universelle d’humanité est visée par l’intention génocidaire.

« L’humanité allemande », déchiffrer la « race aryenne ». Aktion T4, purifier ; Lebensborn, générer ; « Jeunesse hitlérienne », éduquer. Ces institutions nazies mènent au développement de la « race aryenne ». Les deux premières marquent la dimension « biologique », la troisième la dimension « mentale ». L’ensemble constitue la version nazifiée de l’adage « l’esprit sain dans un corps sain ». Penser le nazisme uniquement sous l’angle « biologique », c’est le voir par le petit bout de la lorgnette. L’usage d’une longue vue permet de le penser en son essentielle finalité « mentale » aryenne.

Sans doute, en un premier temps, le nazisme n’a-t-il rien produit de nouveau en matière d’idéologie antijuive. Mais il a ensuite inventé la « race mentale juive », pure déraison idéologique du racisme génocidaire. Une « race mentale », comme une « race biologique », n’existe pas. La « race mentale » n’est pas l’esprit d’un peuple. Elle est la racialisation génocidaire de l’esprit d’un peuple, sa liquidation. La « race mentale juive » n’existe pas, pas plus que la « race biologique juive ». En revanche, la race mentale aryenne existe en tant que construction idéologique. Opposée à la race mentale aryenne, la « race mentale juive » doit disparaître. La déraison idéologique de la « race mentale » – de même la déraison idéologique de la « race biologique » –, la logique de cette idée, est la cause du génocide des Juifs.

Hitler est le commanditaire du génocide. Anéantir les Juifs, son obsession. Le nazisme est hitléro-centriste. Il n’est pas spécifique à l’Allemagne, bien qu’elle en soit et le berceau et le centre. Il est internationaliste. Collaborer avec le nazisme, c’est s’identifier au nazisme. S’identifier au nazisme, c’est être nazi. Pétain est nazi. Le gouvernement bulgare est nazi. Sans une opposition interne courageuse, de certains politiques et ecclésiastiques bulgares et d’une partie de la société civile, et des Juifs eux-mêmes, le gouvernement bulgare aurait déporté les Juifs de Bulgarie. Ce gouvernement en avait l’intention génocidaire. Sans soutien aucun, les Juifs de Macédoine, de Thrace et de Pirot, territoires occupés par la Bulgarie, ont été anéantis. L’État bulgare a été historiquement génocidaire. Le fait est établi.

Un Zemmour bulgare ne manquera pas d’affirmer, afin de réhabiliter l’État bulgare, que celui-ci a sacrifié les Juifs de Macédoine dans le but de sauver les Juifs de Bulgarie !

La Bulgarie exige un accord bilatéral avec la Macédoine, ayant pour objectif la bulgarisation de l’identité macédonienne, condition à l’ouverture des pourparlers d’intégration de la Macédoine dans l’Europe. Cet accord annihile l’identité macédonienne : la langue macédonienne devient un « dialecte bulgare » ; l’histoire singulière de la Macédoine devient une « histoire commune » au profit de la Bulgarie – les Macédoniens disparaissent sous l’appellation « frères bulgares », et ainsi de suite. L’État bulgare vient de déclarer que l’État macédonien (ses institutions) est anti-Bulgare. Le message à l’adresse de l’Europe, et notamment de l’Allemagne et de la France, est clair : « Il n’est pas question d’intégrer la Macédoine raciste dans l’Europe ». Le coup du harceleur harcelé ! Le harceleur se pose en victime. Le contraire est la vérité : l’État bulgare anti-Macédonien est criminel. Il faut sortir la Bulgarie raciste de l’Europe.

Rien ne sera fait en ce sens. Par le passé, l’Autriche a été menacée d’exclusion. Aujourd’hui, une certaine Europe, celle fallacieusement dite des valeurs démocratiques et des droits de l’humain, l’Allemagne et la France, les vertueux architectes du coup d’État constitutionnel du 27 avril 2017 en Macédoine, donne la leçon à la Pologne et à la Hongrie, et leur supprime des aides financières au titre de sanction. En même temps, cette même Europe laisse tranquille la Bulgarie.

Les éminents slavistes forts de leur science affirment la vérité selon laquelle la langue macédonienne a élevé le monde slave à l’esprit universel. Le macédonien est à l’origine de la langue slave littéraire qui s’est répandue dans tout le monde slave, adaptée selon les langues des différents peuples slaves. Le « vieux slave » qui est le « vieux macédonien », utilisé par les Églises de ces peuples devint le slavon. Magnifique et remarquable apport de la Macédoine à la culture universelle. Cette culture macédonienne, la Bulgarie veut se l’approprier, jusqu’à l’époque contemporaine : le Macédonien Goce Deltchev devient bulgare. Plutôt que de se fonder sur sa culture, comme l’ont fait les autres peuples slaves, la pilleuse s’est fixée sur l’origine macédonienne. Elle se veut à l’origine de l’émergence de l’universalité dans le monde slave. L’objectif déclamé est la désappartenance de la Macédoine. Telle est la raison au fondement de l’intention ethnocidaire.

Ce diktat imposé par le gouvernement bulgare, pensé par l’Académie des Sciences, soutenu par le Parlement, falsifie l’identité macédonienne et l’histoire de l’Europe. Sofia exige de Skopje la suppression, dans les manuels scolaires et les lieux de mémoires, de la formule « fascistes bulgares ». « Fascistes bulgares » référence la réalité historique de la Seconde Guerre mondiale. La Bulgarie a occupé la Macédoine de 1941 à 1944. Les partisans macédoniens se sont libérés des « fascistes bulgares ». L’État bulgare a procédé activement et avec grand zèle à la déportation génocidaire. Plus de 7000 Juifs sur 8000 furent génocidés à Treblinka. La distinction entre fascisme et nazisme n’était pas courante dans l’immédiat après guerre, de sorte que le nazisme était identifié au fascisme. Tel n’est plus le cas. Donc, rigoureusement, ne plus dire « fascistes bulgares » mais « nazis bulgares ».

Exigeant la suppression de la formule « fascistes bulgares », le gouvernement bulgare nie sa participation active dans le génocide des Juifs. Par là, il se blanchit. Ou encore, s’il n’y a pas de « fascistes bulgares », alors il n’y a pas de déportation génocidaire. Alors, il n’y a pas de génocide des Juifs de Macédoine. Donc, il ne s’est rien passé. Il s’agit là d’un négationnisme d’État. L’accord bilatéral, appellation poétique « Accord de bon voisinage », contient une double intention négationniste. Simultanément, négation ethnocidaire de l’identité macédonienne et négation génocidaire du génocide des Juifs. Le négationnisme d’État est la continuation du génocide par un autre moyen, le refus idéologique de la reconnaissance du crime de génocide par la négation de la vérité des faits, c’est-à-dire la falsification des faits établis.

À l’initiale, l’accord entre la Grèce moderne et la Macédoine était bilatéral ; ensuite, il est devenu erga omnes. Le véto bulgare est de fait erga omnes. La suppression de « fascistes bulgares » doit valoir pour tous. De fait, la suppression imposée à l’un vaut pour les autres. L’Europe prétend ne pas être concernée par l’anéantissement des Juifs de Macédoine. Comme si l’Allemagne n’avait rien à voir avec l’occupation de la Macédoine par la Bulgarie, ni avec la déportation des Juifs. À deux reprises, lors des Guerres mondiales, l’Allemagne a livré la Macédoine à la Bulgarie. Jamais deux sans trois ? Le négationnisme d’État anti-Juif sur lequel les dignitaires européens ferment les yeux révèle une dénazification inachevée. Le pêne du verrou antinazi glisse dangereusement.

Les frontières des Balkans sont fragiles. On le voit en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo. Celles de la Macédoine de même. Pour le moment, l’État bulgare proclame son intention ethnocidaire anti-Macédonien. Qu’en sera-t-il demain ? Les Macédoniens refusent catégoriquement la bulgarisation de leur identité. Qui empêcherait le passage de l’ethnocide au génocide ? Récemment, Européens et Américains ont laissé les sectateurs de la Grande Serbie génocider tranquillement les Bosniaques. De la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, l’on retient exclusivement la « répression ». L’on ignore la « prévention ». Or, les États parties à la Convention ont pour obligation de réprimer les génocideurs. Ils ont obligation également de prévenir tout crime de génocide possible. Eu égard à l’intention ethnocidaire bulgare explicitement exprimée, l’Europe doit impérativement prendre toutes les mesures nécessaires afin de réprimer l’ethnocide en cours et de prévenir un génocide possible. La Macédoine n’étant pas dans l’Europe, la Bulgarie pourrait s’autoriser l’annexion de la partie est de la Macédoine. Qui sait ? De prime abord, l’hypothèse avancée semble saugrenue. L’apparence est trompeuse. L’argument selon lequel la Bulgarie et la Macédoine sont intégrées dans l’Otan vaut roupie de sansonnet. L’Otan n’a pas prise sur les conflits entre la Turquie et la Grèce moderne, tous deux membres de l’Otan. La Turquie occupe une partie de Chypre depuis 1974. Elle a des prétentions en Méditerranée orientale. Autrement dit, la garante de la paix réside dans la crainte de la logique des dominos qui embraserait les Balkans. Là encore, l’incertitude demeure. Dans l’histoire, et singulièrement la période du XXe siècle et du premier quart du XXIe siècle l’a montré, tout est possible. L’improbable n’est pas l’impossible. Au reste, le principe de l’annexion est à la mode. Kosovo, Crimée, Haut-Karabagh. Demain, l’est de l’Ukraine, Taïwan, qui sait ? Ailleurs, d’autres conflits en cours, avec pour solde l’annexion et ses conséquences.

Jean-Yves Le Drian insiste sur l’« importance pour les pays des Balkans de progresser dans la réconciliation et le règlement des différents bilatéraux, dans un esprit européen. » (France Diplomatie, le 08.06.2021). Réduire le négationnisme d’État anti-Juif à un différent bilatéral, il faut oser, en matière de plaisanterie. L’esprit européen est celui de la capitulation. Munich est la capitale de l’Europe.

Les écologistes du Parlement européen proposent que la Bulgarie lève son véto aux pourparlers suspendu à l’accord bilatéral. Ils rappellent qu’un accord bilatéral n’est pas une condition sine qua non à l’intégration. Ce disant, les Verts européens ne refusent en rien l’idée d’un accord bilatéral ethnocidaire. Que les Macédoniens et les Bulgares se débrouillent entre eux !

Les Macédoniens rejettent résolument la bulgarisation de leur identité, comme ils se sont opposés massivement au changement de leur nom (voir le référendum du 30 septembre 2018). Il n’y a rien à négocier. Une identité ethnique est non négociable. L’acceptation du principe d’un accord bilatéral ethnocidaire légitime tout à la fois la volonté ethnocidaire bulgare anti-Macédonien et le négationnisme d’État anti-Juif. C’est vouloir le racisme ethnocidaire. C’est offrir une victoire posthume à Hitler. C’est caresser l’histoire dans le sens du poil de la bête immonde. L’Europe est engagée dans cette voie.

Post-scriptum : Cette débâcle de l’Union européenne paraît invraisemblable. Pourtant réelle et vraie. Pourquoi ? Le crime contre l’humanité est devenu banal dans sa pratique. Devenu ? Il l’a toujours été. Il est une constante de l’histoire. Une loi de l’histoire. Nonobstant, une conscience européenne a su mettre en avant l’idée d’humanité. L’idée est disparue. Restent les crimes. Rien d’étonnant à ce que prospère le négationnisme. Il se développe largement en raison d’un changement dans sa nature même. Il n’est plus seulement celui d’individus isolés ou de groupuscules. Les habits neufs du négationnisme sont ceux des États. Le négationnisme s’institutionnalise. Des États réécrivent leur histoire, et par là celle de l’Europe. Bulgarie, Grèce moderne, Hongrie, Lituanie, Pologne. À qui le tour ? Contre certains gouvernements négationnistes, des intellectuels, des institutions condamnent, protestent, critiquent. Contre la Grèce moderne, contre la Bulgarie ? Rien. La Macédoine victime isolée. Coupée. Silence. Silence complice‑crime de silence.

Vue sous le grand angle de l’histoire du genre humain, l’histoire est celle de la disparition de peuples, sous une forme ethnocidaire ou génocidaire. Les Puissances européennes ont anéanti un grand nombre de peuples. Par exemple, considérer l’histoire de la France. Et l’histoire continue.

Un pas de plus franchi. Une première. Dans leur réécriture de l’histoire, la Grèce moderne et la Bulgarie ont été et sont soutenues par Merkel-Macron. La Grèce moderne avec l’Accord de Prespa. La Bulgarie avec son véto. La version officielle de l’histoire selon la Grèce moderne est erga omnes. Par où l’on voit l’officiel se faire universel. Qui conteste cette version de l’histoire verse dans la falsification. Le monde à l’envers. Voilà les États autorisés à falsifier sans borne. Des Hongrois, des Polonais, des Lituaniens et d’autres exultent. La politique de l’axe franco-allemand – est-ce encore de la politique quand il en va de crime ? – est celle du laisser faire, laisser passer, encourager. Plus, Merkel-Macron est un acteur impliqué directement dans la déstabilisation de la Macédoine. Il décide. Dessine les plans. Conseille. Finance. Il fait l’interminable travail minable immonde des Puissances étatiques criminelles. Sans le crime, les Puissances ne sont plus les Puissances.

Post-scriptum du 14 décembre 2021. Ce jour, le nouveau Premier ministre bulgare Kiril Petkov déclare : « Dans les manuels macédoniens, la Bulgarie ne devrait pas être qualifiée de fasciste. » (Deutsche Welle MK, le 14.12.2021).

Post-scriptum du 17 décembre 2021. Fin des conciliabules entre bureaucrates d’État. Statu quo. L’objectif : user les Macédoniens. En Macédoine, le ton monte. Il le faut. La Macédoine est en danger.

Informations sur la Macédoine via internet, avec traduction automatique en français. Deutsche Welle MK, Nova Makedonija MK, Republika MK. D’autres sont facilement accessibles.