Macédoine Situation

Macédoine – Situation 11. Le 15.04.2017

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Le ton du peuple !

Philippe Bouchereau

6 avril 2017

 

La venue du Président du Conseil européen, Donald Tusk[1], homme d’État polonais, le 3 avril 2017 en Macédoine, mandaté par un grand nombre d’États européens, s’est soldée par un nouvel échec pour eux. Ivanov, poussé et soutenu par l’Initiative citoyenne pour une Macédoine unie, mobilisée et généralisée dans l’ensemble de la Macédoine, depuis 36 jours, a prononcé un troisième « non ». Après avoir abordé la grande question des migrants, ces barbares invasifs d’un genre nouveau, réfugiés sans refuge, qui préoccupe au plus haut point l’Europe, laquelle ne paye toujours pas les 1,5 millions d’euros mensuels que coûte à la Macédoine, l’un des pays les plus pauvres des Balkans, la « gestion migratoire », et bien que « reconnaissant le rôle déterminant que joue la Macédoine pour la non-prolifération de la crise en Europe », le despote européen a encore exigé que soit constitué un gouvernement ayant pour base la plateforme albanaise à partir d’une majorité parlementaire mensongère obtenue en contrevenant, entre autres choses, au principe établi et imposé par l’UE elle-même, c’est-à-dire le parti macédonien « gagnant » avec le parti albanais « gagnant ».

« Cette crise qui perdure empêche votre pays d’avancer sur la voie euro-atlantique que vous avez choisie. Il vous revient de trouver une solution fondée sur les principes démocratiques, la bienséance et le bon sens. Seule une solution de cet ordre a des chances de s’inscrire dans la durée. Lorsque vous l’aurez trouvée, vous pourrez compter sur notre soutien.[2] »

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« M. Tusk, la Macédoine est tout ce que nous avons »

Le ton faussement conciliant du sinistre bureaucrate inquiet cache mal son soutien à la coalition SDSM / trois Partis albanais, puisque Ivanov est sommé de trouver « une solution fondée sur les principes démocratiques », c’est-à-dire l’organisation du gouvernement fondée sur la plateforme albanaise. Le monde à l’envers : l’indécent parle de « bienséance et de bon sens ».

Après cette fin de non recevoir, la commission parlementaire européenne chargée de l’élargissement de l’Europe, en l’occurrence la destruction de la Macédoine au profit de l’élargissement de l’Albanie intégrée dans l’Otan, dans sa session nocturne du 05 avril 2017, a voté, à l’exception de la parlementaire Marijana Petir, à l’unanimité son accord avec la plateforme de Tirana, devenue pour les Macédoniens « Plateforme de Bruxelles », et a renouvelé de la sorte son soutien au trois Partis albanais et au SDSM, Parti macédonien, chargé par les « Grandes puissances » de l’autoliquidation de la Macédoine. Ce que l’on appelle communément trahison. Qu’un Parti politique décide de liquider son pays est une originalité historique fort remarquable.

L’UE et les USA multiplient les provocations ouvertes et fomentent, en sous main, un « conflit interethnique » albano-macédonien qui n’existe pas pour le moment et dont la responsabilité devrait être supportée par les Macédoniens, dans le but de montrer à l’opinion publique internationale que la Macédoine est incapable de régler pacifiquement et démocratiquement ses propres problèmes, qui ne sont d’ailleurs pas les siens, préfigurant un retour non plus diplomatique mais armé des « Grandes puissances » dans l’espace territorial de la Macédoine.

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L’on se souvient que le premier « non » macédonien fut prononcé le 1er mars 2017, affirmant le refus de la constitution d’un gouvernement soutenant la plateforme. Et le second « non » fut le refus cinglant de Ivanov de rencontrer le valet-commissaire européen Johannes Hahn accompagné de trois autres bureaucrates-ethnocideurs européens : Eduard Kukan, homme politique Slovaque, Ivo Vajgl, homme politique Slovène, et Knut Fleckenstein, homme politique allemand[3]. Le despote éclairé était venu le 21 mars 2017, diktat en tête, faire la leçon aux Macédoniens, ces barbares fiers et farouches. Il faisait le fort en affirmant que le « chemin de l’Union européenne est toujours ouvert à Skopje. » Renommant ainsi la République de Macédoine « Skopje », selon le souhait de la Grèce.

Hahn voulait régler la question de la constitution du parlement et donc du gouvernement en 24 heures. « Aujourd’hui, il y a du travail » a-t-il dit, et avait prévu présomptueusement, le jour même, une intervention publique devant la presse, saluant sa grandiose victoire au grand jour ; lui le technicien, autrichien-européen, ironie de l’histoire, de l’Anschluss de la Macédoine par la Grande Albanie, devait prononcer le mot ranna (voir, rann ou rhann) qui veut dire couper, diviser, séparer, départir et dont provient négativement le mot rien[4]. Bref, Hahn se rêvant grand Khan des Balkans devait annoncer au monde que dorénavant la Macédoine est rien. Que nenni ! L’hahnschlusseur, prétendant violer le « ventre mou des Balkans » comme disent ces gens-là, s’est retrouvé dans le rôle inconfortable du Grand eunuque. L’est reparti les couilles à la main[5] !

Mais Hahn, plus à l’aise dans son UE pleine de bandits de grands bureaux, reprend du poil de la bête immonde avec son vote du 5 avril et soutient plus que jamais la « plateforme de Bruxelles », au service d’une grande Amérique militaire dans l’espace géographique de l’imaginaire Grande Albanie.

 

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« No pasaran ! » en espagnol et en macédonien.

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« La révolution du peuple contre la plateforme de Tirana »

« La Macédoine est tout ce que nous avons »

Le ton du peuple citoyen se radicalise. L’Initiative citoyenne, forte désormais de deux cents à deux cents cinquante mille manifestants dans toute la Macédoine unie, tend à prendre toujours plus ses affaires en main. Ainsi a-t-on pu entendre lors d’un rassemblement devenu quotidien, de 17h à 19h, en guise de protestation contre les discussions parlementaires s’éternisant, parlant des députés : « Nous les avons laissés entrer, nous pouvons les faire sortir, et constituer notre propre parlement ! » Sur les photographies, ci-dessus, on lit : « No pasaran », « révolution ». Une minorité, apprend-on, veut occuper le parlement. Il ne s’agit pas là d’une tendance dominante, mais d’une perspective radicale mise en avant. Elle doit être signalée car elle fait partie de l’histoire qui se fait.

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« Nous vous avons fait entrer dans le parlement, nous pouvons vous en faire sortir »

« Élections »

« Nous allons jusqu’au bout »

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« Recensement »

L’Initiative citoyenne « Pour une Macédoine unie » est née en opposition aux contradictions politiques internes à la République, pour la sauvegarde, avant tout, de la Macédoine unie. Quand la maison brûle, l’urgence n’est pas celle de faire l’inventaire des meubles, mais d’éteindre l’incendie ! Que la ligne rouge-jaune ne soit pas franchie ! Aujourd’hui, « la rue » est un mouvement qui n’a pas besoin de couleur, son ton, son style, lui suffit. L’Initiative citoyenne exprime démocratiquement dans le moment historique présent, en une perspective ouverte, un avenir qu’elle promet être le sien !

En réponse au vote provocateur UE du 5 avril, se constituent partout en Macédoine des Brigades populaires d’autodéfense de la République qui useront de moyens, disent-elles, à la hauteur de la nécessité historique. Les Macédoniens ne savent que trop bien que l’histoire est l’histoire de la disparition de certains peuples décidée par des « grandes puissances » qui découpent et tranchent, à volonté, selon leur volonté. Après cinq siècles de domination, sous le joug ottoman soutenu par la Grèce des Grands prêtres peu catholiques, ethnocideuse, comme la Bulgarie ethnocidaire qui pour avoir eu un État fort n’en est pas moins faible d’esprit culturel pour piller idéologiquement la culture macédonienne[6], les Macédoniens ont acquis de haute lutte contre le nazisme le droit légitime et légal à leur République. Depuis leur indépendance de 1991, aujourd’hui, pour la première fois, la République se soulève massivement pour sa survie. Et rien ne peut compter plus que la pérennité de la Macédoine unie. Et ce pour la Macédoine certes, aussi pour le genre humain orphelin de tant de peuples disparus, de tant de peuples en voie de disparition.

Semblablement, les Roms combattent la condition de mise en désappartenance de leur être identitaire et de leur être politique. Ils se plaignent à juste raison de n’être pas soutenus par la Communauté internationale laquelle a déjà enterré par sa pratique criminelle l’ensemble des « parties de peuples constitutifs » qui est supérieur en nombre à la partie de peuple albanais constitutif. L’albanophilie de la Grande Albanie est la haine des autres.

Sont toujours évoquées, lors des manifestations, les nécessités de nouvelles élections législatives et d’un recensement. Deux pelleteuses sont dressées devant le parlement.

 

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Le drapeau symbolise le 4ème Ilinden : I4

 

[1] Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, homme d’État norvégien, et l’ambassadeur américain en République de Macédoine – Jess L. Baily exhortent aussi Ivanov à donner le mandat à la coalition SDSM / 3 Partis albanais pour former le nouveau gouvernement dans les meilleurs délais. Jens Stoltenberg, dans sa réponse du 27 mars 2017 à la demande de Ivanov de condamner la plateforme albanaise, au lieu de la condamner, avait déjà répondu en ce sens, en demandant le respect de l’Accord de Pržino et en nommant, à l’exemple de Hahn, « Skopje » la République de Macédoine.

Donald Tusk, pour clore sa tournée, s’est rendu en Grèce où, déclare-t-il dans son communiqué de presse, « Chaque fois que je retourne en Grèce et que je vous rencontre, vous et le président de la République, je me sens chez moi, je sens que nous sommes entre amis. » [05/04/2017 12:43 Déclaration et observations 189/17 Affaires étrangères et relations internationales]. À l’évidence, pour lui, et beaucoup d’autres, la Macédoine est une ennemie. Elle le leur rend bien.

[2] Discours prononcé lors de la conférence de presse, le 3 avril 2017, voir site du Conseil européen, http://www.consilium.europa.eu/fr/european-council/president/news/20170404-pec-visit-slovenia-fyrom-bulgaria-greece/

[3] Dans un entretien à TV Nova, Kukan a déclaré qu’il n’avait rien contre la plateforme de Tirana. Précédemment, il avait déclaré (voir Macédoine – Situation 6. Le 28.03.2017) que Nikola Poposki, Ministre des Affaires étrangères macédonien, lui aurait dit qu’il est possible de former un gouvernement sans le mandat de Ivanov. Poposki a immédiatement démenti ses allégations mensongères qui ne servaient qu’à orienter et encourager le SDSM et les Partis albanais dans une logique de coup d’État.

[4] « Rann, Partie, part, partage, fragment, morceau. […] Diminutif Rannic, Ranna, partager, couper en deux, féparer, fendre, départir. Davies met femblablement Rhann, pars, partio. […] On pourrait donner à Rann, pour origine l’Hébr. Ranan ou ranhan, rompre, […] Mais je croi que c’eft un mot original et originaire des Gaules. Notre français Rien, que l’on prononce auffi, parmi le vulgaire, Rain, peut venir de Rann, il n’a fa véritable signification de Partie ou Pièce, ou Morceau, qu’après une négative, et en cet état, il répond au Latin Nihil et Nihilum.[…] » Dictionnaire de la langue Bretonne, où l’on voit son antiquité, son affinité avec les anciennes langues etc. Par Dom Louis Le Pelletier, Religieux Bénédictin de la Congrégation de S. Maur. A Paris, chez François De La Guette, Imprimeur-Libraire, rue S. Jacques, à l’Olivier. Ou Dictionnaire Etymologique de la Langue Bretonne, par etc. Le quatrième jour du mois de Novembre, l’an de grace mil fept cent cinquante deux. Autorifé le 7 novembre 1752.

[5] « L’expression est courante en français de Nouvelle-Calédonie, où l’on dit figurément en fonction d’adjectif, les couilles à la main, pour ‘‘ahuri, incapable de réaction’’ », voir le Dictionnaire historique de la langue française. La Calédonie devenue Nouvelle-Calédonie parle mieux le français qu’un Français, réinventant la langue de Rabelais. Use-t-on de la même expression, en Guyane, parlant de l’État français ? Méprisant, avec son misérable milliard d’euros-Arianespace, Cazeneuve réduit la Guyane à l’ancienne case de l’oncle Tom. Qu’il aille au bagne !

[6] Relevant de la raison universelle, il n’y a aucune raison particulière pour qu’un jour n’émerge pas du carcan idéologique un Taner Akçam bulgare. De l’autre côté de la frontière, des intellectuels grecs repensent leur histoire. Ils produisent des recherches remarquables, avec grand courage quand on sait que le mot Macédoine pour nommer la République de Macédoine est tabou, et que la transgression de l’interdit vaut sanction. Mot infecte aussi pour certains milieux intellectuels grecs en France et chez les grécophiles qui aiment la pureté de la Grèce balnéaire où ils s’engrècent surtout de la grande Idée d’une nation purifiée, la Nouvelle-Grèce qui n’est pas seulement géographique, également idéologique avec la production imaginaire d’une race mentale à l’esprit hellène pur. On peut avoir un aperçu de la logique de cette idée de la Nation pure à la lecture du rapport de l’ECRI publié le 24 février 2015 [https://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Greece/GRC-CbC-V-2015-001-FRE.pdf]. En ce moment, des groupes antifascistes et anarchistes s’opposent réellement au fascisme et néonazisme grecs. Il faut saluer la témérité de cette partie de la société civile grecque.