Macédoine Situation

Macédoine – Situation 10. Le 12.04.2017

Les Roms contre le partage ethnique

Le Parti pour une Complète Émancipation des Roms – PCER, partenaire de la coalition politique avec le SDSM et les Partis albanais, demande à Ahmeti de condamner la plateforme albanaise de Tirana pour mettre fin à la crise.

La plateforme albanaise, n’ayant été rendue publique qu’après les élections du 11 décembre 2016, en Albanie, le 7 janvier 2017, jour du Noël orthodoxe, les partenaires de la coalition SDSM, ainsi que les électeurs n’en connaissaient donc pas l’existence.

Les Partis qui forment la coalition avec le SDSM – 49 sièges :

– Union sociale-démocrate de Macédoine SDSM

– Nouveau parti social-démocrate NSDP

– Parti libéral-démocrate LDP

– Unis pour la Macédoine OM

– Le parti pour le mouvement des Turcs de Macédoine PDT

– Le parti pour l’émancipation complète des Roms PCER

– Le parti serbe en Macédoine SSM

– Union démocratique des Valaques en Macédoine DSVM

– La ligue de Sandjak SL

 

Zaev, dirigeant du SDSM, a formé une coalition élargie avec trois Partis albanais,

– Union démocratique pour l’intégration DUI – 10 sièges

– Alliance pour les Albanais – 3 sièges

– Mouvement BESA – 5 sièges

Cette alliance lui a permis d’obtenir la majorité politique : 67 signatures.

 

Le Parti gagnant : le VMRO-DPMNE qui a obtenu 51 sièges aurait dû former avec le Parti albanais gagnant, le DUI, une coalition qui permettait d’obtenir la majorité politique avec 61 sièges sur 120 et constituer le nouveau gouvernement.

Ce principe du « gagnant » des Partis macédoniens avec le « gagnant » des Partis albanais, mis en place en 2008 sur la demande des Partis albanais avec le soutien de l’UE, cette fois a été rompu par ceux-là même qui l’avaient exigé et institué.

En effet, en 2008, le VMRO-DPMNE voulait former une coalition avec le Parti albanais DPA, mais cela lui a été refusé au prétexte que le DPA avait obtenu moins de sièges que le DUI. Lors des élections du 1 juin 2008, seuls deux Partis albanais se partageaient les voix de la communauté albanaise : DUI et DPA. Le premier obtint 18 sièges, le second 11 sièges.

Le VMRO-DPMNE et la coalition avec DUI + le PIE (le Parti pour l’avenir européen) constituaient, pour la première fois, une majorité absolue des sièges de l’Assemblée : 63 sièges + 18 sièges + 1 siège = 82 sièges, soit les 2/3 de 123 sièges. Ce qui permettait de neutraliser totalement le Parti de l’opposition SDSM.

Le VMRO-DPMNE a remporté les élections en : 2006, 2008, 2011, 2014, 2016. Déjà en 2006, le DUI boycottait la session inaugurale de l’Assemblée car le VMRO-DPMNE avait choisi de faire coalition avec le DPA qui avait obtenu 11 voix, alors que le DUI avait obtenu 17 voix. Le DUI n’aura de cesse d’obtenir l’application du principe « gagnant » avec « gagnant » afin de faire partie du gouvernement. Ce qu’il obtiendra en 2008, avec l’aide de l’UE.

Décrié par la communauté albanaise pour n’avoir pas réussi à faire passer toutes les exigences albanaises dans le cadre du gouvernement formé avec le VMRO-DPMNE, sous la pression des nouveaux Partis albanais : Alliance pour les Albanais et Besa, le DUI devra renoncer à la coalition avec le VMRO-DPMNE en 2016 pour former, avec ces deux Partis la coalition avec le SDSM, qui, sans cette alliance, ne pouvait former la majorité et ne pouvait prétendre à former le nouveau gouvernement. C’est ainsi que l’on a réussi à rendre minoritaire le Parti sorti gagnant aux élections et à créer une majorité politique qui n’est pas le reflet des élections.

De même que depuis 2014, l’opposition, le SDSM aidé de l’UE et des États-Unis, a fait en sorte de discréditer le gouvernement du VMRO-DPMNE. En particulier avec les « bombes » qu’il a rendues publiques : des écoutes téléphoniques que le VMRO-DPMNE aurait effectuées.

La constitution du VMRO-DPMNE et sa coalition aux élections du 11 décembre 2016 :

– Organisation révolutionnaire macédonienne intérieure – Parti démocratique pour l’unité nationale – VMRO-DPMNE

– Parti socialiste de Macédoine – SPM

– Parti démocratique des Serbes en Macédoine – DPSM

– Union des Roms de Macédoine – SRM

– Le Parti de la justice – PP

– Option citoyenne pour la Macédoine – GROM

– Parti de l’action démocratique de Macédoine – SDA

– Le Parti des Valaques de Macédoine – PVM

– Le Parti pour l’intégration des Roms – MIR

– Le Parti des travailleurs agricoles de la République de Macédoine – RZM

– Union macédonienne radicale durable – TMRO

– Action macédonienne – MAAK

– Nouveau parti libéral – NLP

– Le Parti des démocrates unis de Macédoine – PODEM

– Alliance macédonienne – MA

– Le Parti démocratique des Turcs de Macédoine – DPT

– Organisation révolutionnaire macédonienne intérieure – Parti démocratique – VMRO-DP

– Parti démocratique des Bosniaques – BDP

– Parti démocratique des Roms – DPR

– Union social-démocrate – SDY

– Les Roms unis de Macédoine – ROM

– Les Forces de gauche de Tito unies – STLS

– Parti uni pour l’égalité des Roms – OPER

– Mouvement de l’unité nationale des Turcs – DNET

– Forces démocratiques des Roms – DSR

Le président Ivanov ayant dit « non » à la formation du nouveau gouvernement sur la base de la plateforme, le 1er mars 2017, le gouvernement n’est toujours pas formé. Le SDSM et les trois Partis albanais refusent de retirer et condamner la plateforme (voir Macédoine-Situation 8, texte intégral de la plateforme), condition pour l’obtention du mandat pour former le gouvernement.

Le 11 avril 2017, le Parti pour l’émancipation complète des Roms – PCER, le seul Parti rom ayant formé coalition avec le SDSM, – quand six Partis roms ont formé coalition avec le VMRO-DPMNE, ainsi que la plus grande partie des Partis des autres communautés –, exprime son désaccord avec la plateforme et demande à Ahmeti, dirigeant du DUI, de la condamner publiquement. Ahmeti qui déclarait, tout comme Zaev, que serait formé très rapidement le nouveau gouvernement, dit aujourd’hui qu’il ne voit pas la lumière au bout du tunnel et qu’il faudra du temps pour trouver une solution à la crise. Le PCER pense au contraire que la lumière est là mais qu’il manque la volonté, accusant Ahmeti de ne pas être de bonne volonté pour résoudre la crise, d’être responsable de la crise : « Il y a de la lumière, seulement il faut de la volonté »[1]. Le PCER a demandé à Ahmeti de convoquer une conférence de presse officielle où il déclarerait de façon explicite qu’il ne demande pas la fédéralisation du pays, que la Constitution ne sera pas amendée, que le bilinguisme ne s’appliquera que conformément à la législation votée en 2008 et que tous les amendements se feront conformément à la constitution. Il rappelle que les portes paroles des Partis albanais : Artan Grubi et Djevat Ademi ont déjà fait ces déclarations mais que la population veut les entendre d’Ahmeti. Une telle conférence avant les fêtes de Pâques orthodoxes serait une bonne chose pour détendre l’ambiance et permettre à la population toujours plus déterminée qui manifeste massivement (200 000 à 250 000 personnes dans plusieurs villes de Macédoine) depuis 45 jours de passer les fêtes de Pâques dans la sérénité.

Le Parti démocratique des Albanais – DPA, le quatrième Parti albanais, partenaire du VMRO-DPMNE depuis 1998 puis dans l’opposition après 2008 quand le DUI a exigé d’instaurer le principe du « gagnant avec gagnant », qui a remporté 2 sièges aux élections du 11 décembre 2016, n’a pas signé la plateforme. Il n’a pas non plus intégré la coalition élargie avec le SDSM après les élections. Sous la pression des Partis albanais de la coalition SDSM, des intellectuels albanais[2] qui dans des déclarations et des lettres ouvertes interpellent les Partis albanais pour qu’ils prennent leurs responsabilités en se positionnant fermement pour la plateforme et en formant au plus vite le nouveau gouvernement, du premier ministre d’Albanie Edi Rama[3] et du Président du Kosovo Tachi[4] qui ne cessent de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Macédoine et de demander que les Albanais prennent « leur destin dans leurs mains », il exprime le 11.04.2017 son intention de rejoindre la coalition élargie du SDSM et des Partis albanais. Lui qui avait des réserves sur la plateforme, déclare qu’il est prêt à la soutenir à condition d’ajouter encore un point : « pour des prises de décisions consensuelles en Macédoine »[5].

La demande des Roms du PCER vient confirmer le fait que les Partis non-albanais qui ont formé la coalition avec le SDSM pour les élections n’étaient pas porteurs des demandes contenues dans la plateforme. Ceci est dit haut et fort par le mouvement citoyen qui considère que les électeurs ont été trompés, de même que certains députés, d’où la nécessité d’un retour aux urnes.

Les Roms sont conscients que cette plateforme les discrimine et met fin à l’Accord cadre d’Ohrid qui leur permettait ainsi qu’aux autres minorités de devenir « partie de peuple constitutif ». La création d’un État binatonial les ramènerait au statut de « minorité » et les priverait de tous les droits acquis, dont ils ne bénéficient qu’en République de Macédoine[6].

D’une façon générale, l’ensemble des communautés non-albanaises se trouverait privé de ses droits, alors qu’il est égal voire supérieure numériquement à la communauté albanaise qui représente aujourd’hui moins de 20% de la population totale, suite à une très forte émigration et à une baisse du taux de natalité due à l’émancipation des femmes.

Le parti « Les forces démocratiques des Roms DSR », partenaire de la coalition VMRO-DPMNE, par une déclaration écrite, en réponse à la plateforme, demandait que la langue romani soit déclarée aussi langue officielle dans la République de Macédoine (Macédoine-Situation 2) dans le but de contrer la proposition de la plateforme. Curieusement, le 1 mars 2017 brûlait une école maternelle dans la municipalité rom de Shuto Orizari/Chouto Orizari. Le même Parti, le 6 avril 2017, prenait position pour le manifeste du VMRO-DPMNE pour la sortie de la crise, en réaffirmant ses positions par rapport à la plateforme et les dangers qu’elle représente. Saliu, dirigeant du DSR, soutient le point du Manifeste énonçant que la République de Macédoine, multiethnique et multiculturelle, est la patrie de tous les citoyens qui y vivent : Macédoniens, Albanais, Roms, Turcs, Valaques et les autres nationalités. Il affirme son soutien pour l’égalité des citoyens devant la loi, indépendamment de leur appartenance ethnique, religieuse, sociale, ou politique. Pour lui et son Parti le respect des droits de l’humain est un principe de base. Il lutte pour la nécessité de préserver l’identité nationale de la République de Macédoine et des communautés qui la constituent. Les Roms ont leur propre identité, souligne Saliu. Il ne s’agit pas de nier les autres communautés mais de préserver les droits de toutes les communautés ethniques, par conséquent aussi celle des Roms. Ce principe juridique est essentiel pour le fonctionnement de la République de Macédoine. Le 7 avril 2017, lendemain de cette déclaration, un nouvel incendie brûla deux maisons dans Shuto Orizari.

Incriminer Ahmeti, coupable de la situation de crise et lui demander la condamnation publique et officielle de la plateforme albanaise de Tirana, pour un Parti formant coalition avec le SDSM et les Partis albanais est un acte courageux, à la hauteur de l’enjeu de cette plateforme pour le statut et les droits des Roms. La conscience politique des Roms a pu se développer et s’organiser en République de Macédoine parce que c’est le seul pays où les Roms sont « partie de peuple constitutif » et à cet égard ont des droits inscrits dans la constitution qu’ils ne possèdent nulle part ailleurs. En particulier, ils ont des représentants politiques à tous les niveaux des instances étatiques : ministre, député, maire, etc. Le romani est langue officielle, aux côtés du macédonien, dans la municipalité de Shuto Orizari, considérée comme la plus grande ville de Roms au monde. C’est la première fois dans l’histoire que la langue romani obtient constitutionnellement un statut officiel.

 

[1] Utrinski vesnik du 11.04.2017, http://www.utrinski.mk/?ItemID=AF5C00C3804FE14EBB6B051C34E57916

[2] TV Nova, 10 avril 2017, http://novatv.mk/diktatura-na-maltsinstvoto/

http://www.time.mk/c/0c2b499b2c/intelektualci-albanci-baraat-vlada-za-promeni.html

[3] http://www.time.mk/c/08f91f722c/edi-rama-makedonija-e-drzava-na-dve-nacionalnosti-makedonska-i-albanska.html

[4] Télévision Sitel, 2 mars 2017, http://sitel.com.mk/hashim-tachi-albancite-vo-makedonija-da-ja-zemat-sudbinata-vo-svoi-race

[5] Utrinski Vesnik du 11 avril 2017, http://www.utrinski.mk/?ItemID=C735478EE26FC04BAFABF5A25055DFD0

[6] Les craintes des Roms vis-à-vis de cette plateforme est fondée, malgré les discours idéologiques des Partis albanais qui assurent que rien ne changera pour les autres minorités en République de Macédoine. En effet, lorsque la guerre éclata au Kosovo, les Roms furent chassés vers la Macédoine pour avoir « pris le parti des Serbes », ce qui n’avait aucun fondement. Le 1 avril 2017, 13 familles de Serbes, originaires du Kosovo, du village Ljubožda, décident de revenir dans leurs maisons après avoir été chassés en 1999. Ce sont environ 40 familles serbes qui furent chassés de ce village. Un comité d’accueil hostile d’Albanais les attendaient pour protester contre leur retour. Dans l’attente de récupérer leurs maisons, ils seront placés dans un centre d’hébergement collectif. Cf. http://www.novamakedonija.com.mk/NewsDetail?title=&id=6ad7fd7d-525e-47ac-a0ee-9abb61b09465